L’Afrique est de plus en plus convoitée par l’Europe pour ses réserves de gaz. Suite à la crise énergétique, des investissements et des accords sont mis en place. Sont-ils bénéfiques pour le développement du continent ?
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La soif soudaine des Européens pour le gaz africain est, à première vue, une aubaine pour l’exploitation de nouveaux gisements. Depuis plusieurs mois, on voit les dirigeants européens multiplier les opérations de séduction pour booster leurs importations. Au Sénégal, où le gisement de la Tortue devrait produire 2,5 millions de tonnes de gaz l’année prochaine, Olaf Scholz a proposé un large soutien financier pour porter la production à 10 millions de tonnes, un surplus qui sera bien sûr destiné en premier lieu à l’Allemagne. L’Italien Mario Draghi a fait une promotion intensive en Algérie, suivi par des hommes politiques français. Le Nigeria et le Maroc ont récemment inauguré en grande pompe un projet de gazoduc de 5000 kilomètres destiné à approvisionner l’Europe. Au total, les nombreux projets gaziers du continent, qui ne sont certes pas tous financés, s’élèvent à 400 milliards de dollars américains. Cela correspond à 15% du PIB africain.


Cette manne financière est providentielle, mais est-il vraiment temps de produire plus de gaz pour l’exportation alors que les besoins nationaux ne sont toujours pas satisfaits ?

Six cents millions d’Africains n’ont toujours pas d’électricité. Il n’est pas certain qu’ils bénéficient des nouveaux investissements. Plus de la moitié d’entre eux sont réalisés dans l’extraction et non dans la distribution locale. Ils sont clairement destinés à l’étranger. Une autre objection des ONG hostiles à ces projets est que les retombées économiques sont improbables, comme l’enseigne l’expérience des grands pays pétroliers africains. Au Nigeria, longtemps premier producteur du continent, quatre habitants sur dix vivent encore en dessous du seuil de pauvreté. Au Mozambique, un pays qui compte parmi les plus pauvres du monde, Total prévoit d’investir 20 milliards de dollars dans l’extraction de gaz offshore : un montant supérieur au PIB du pays. Le projet est actuellement suspendu car, au lieu de favoriser le développement, il a surtout alimenté la résurgence du terrorisme islamiste. En fin de compte, le gaz sera exporté vers l’Afrique du Sud et l’Europe, et l’extraction ne fera surtout qu’aggraver le stress financier d’un pays déjà surendetté.


D’autant plus que le changement climatique pourrait rapidement être fatal aux investissements dans les hydrocarbures.

Des ONG africaines comme Power Shift Kenya militent pour que les capitaux investis dans le gaz soient réorientés vers les énergies renouvelables. Mais bien sûr, les Européens et les fonds pressés d’investir dans des projets destinés à l’Europe n’ont pas l’intention de financer des installations solaires ou éoliennes. La Banque européenne d’investissement va à l’encontre de la volonté des Etats européens. Elle a confirmé en juillet qu’elle ne financerait plus de projets gaziers en Afrique, mais uniquement des énergies renouvelables. Une décision contestée par certains décideurs africains en quête de financements. Ils s’opposent au diktat de l’Occident.


En Europe, le gaz et le nucléaire ont finalement été considérés en janvier comme des sources d’énergie acceptables pour la transition énergétique.

Pourquoi la BEI refuse-t-elle de financer en Afrique ce qui est autorisé en Europe ? L’Afrique, qui n’est pas responsable des émissions de gaz à effet de serre. La consommation d’électricité émettrice de carbone d’un Européen est 25 fois plus élevée que celle d’un Africain, toutes sources d’énergie confondues. Dans un rapport sur la résorption du déficit énergétique africain, la Fondation Mo Ibrahim souligne que les énergies renouvelables fournissent déjà 40% de l’électricité. Malgré tout, le gaz reste indispensable à l’industrialisation du continent, selon l’auteur du rapport, car les cimenteries ou les aciéries nécessaires à la construction des infrastructures sont très gourmandes en énergie. C’est pourquoi, conclut la fondation, le gaz africain doit appartenir aux Africains. (Source : www.rfi.fr)